COMMISSION D’ENQUETE

Texte intégral:

Texte de la commission d'enquête de 1905

Mains coupées: page 91

Caoutchouc: page 76

Mais si, en droit, l’indigène est entièrement libre de récolter ou de ne pas récolter, de vendre ou de ne pas vendre du caoutchouc, en fait il se trouve, tout au moins dans le bassin du Sankuru, indirectement contraint de se livrer à la récolte de ce produit. En effet, il est assujetti à l’impôt vis-à-vis de l’État. Or, cet impôt doit être payé dans la monnaie locale appelée croisette; et cette monnaie, le noir ne peut se la procurer que chez les factoriens, qui lui réclament du caoutchouc en échange.

…. Il semble toutefois hors de doute qu’une exploitation qui a duré un certain nombre d’années a dû fatalement amener l’épuisement des régions qui sont dans le voisinage des villages indigènes. Cette circonstance explique la répugnance du nègre pour le travail du caoutchouc, qui en lui-même n’a rien de bien pénible. Dans la plupart des cas, en effet, il doit, chaque quinzaine, faire une ou deux journées de marche, et parfois davantage, pour se rendre à l’endroit de la forêt où il peut trouver, en assez grande abondance, les lianes caoutchoutières. Là, le récolteur mène, pendant un certain nombre de jours, une existence misérable. Il doit se construire un abri improvisé, qui ne peut évidemment remplacer sa hutte, il n’a pas la nourriture à laquelle il est accoutumé, il est privé de sa femme, exposé aux intempéries de l’air et aux attaques des bêtes fauves.  Sa récolte, il doit l’apporter au poste de l’État ou de la Compagnie, et ce n’est qu’après cela qu’il rentre dans son village, où il ne peut guère séjourner que deux ou trois jours, car l’échéance nouvelle le presse.